Il s'agit là d'un événement tout à fait exceptionnel, rendu possible, pour la première et sans doute la dernière fois, par le départ des collections permanentes du musée de l'Orangerie à l'occasion de la rénovation de celui-ci.

L'exposition marque, à quelques mois de distance, le quatre-vingtième anniversaire de la lettre du 12 novembre 1918, au lendemain de l'armistice, où Claude Monet écrivait à son ami Georges Clemenceau : "Je suis à la veille de terminer deux panneaux décoratifs que je veux signer le jour de la Victoire, et je viens vous demander de les offrir à l'Etat par votre intermédiaire".

Le cycle des Nymphéas - auquel appartiennent les oeuvres dont Monet parle ici - occupa le peintre au cours des trente dernières années de sa vie et aboutit au grand ensemble décoratif qu'il offrit en 1922 à l'Etat français et qui fut installé sur ses directives au musée de l'Orangerie, à Paris, dans le Jardin des Tuileries.

Une soixantaine de tableaux est regroupée autour de l'ensemble permanent de l'Orangerie. Ce rassemblement ne pouvait avoir lieu que dans ce musée, puisque les huit grands panneaux composant la décoration ne peuvent être déplacés et qu'eux seuls permettent de présenter dans son développement et sa logique le cycle des Nymphéas, dont ils marquent l'aboutissement.

Les oeuvres réunies proviennent de collections publiques et privées de France (Dreux, Grenoble, Nantes, Paris, Saint-Etienne, Vernon...) et du monde entier (Boston, Cardiff, Dallas, Dayton, Denver, Göteborg, Houston, Jerusalem, Londres, Minneapolis, Munich, New-York, Princeton, Tokyo...). Il convient de noter la présence de douze tableaux prêtés par le musée Marmottan, à Paris, et de deux grandes compositions, dont un tryptique prêté par le Museum of Modern Art de New-York.

L'exposition est différente, par son propos, de celle actuellement présentée à Londres, après Boston, qui porte sur l'ensemble de la production de Monet au XXe siècle.

En 1883 Claude Monet loue une maison à Giverny, village situé sur la rive droite de la Seine, aux confins de l'Ile-de-France et de la Normandie. Il y séjournera 43 ans, jusqu'à sa mort en décembre 1926. En 1890, il acquiert la maison et, dans son jardin, fait creuser un bassin où il cultive, dans "un but de motifs à peindre"  des nymphéas (plus communément appelés nénuphars blancs). C'est sur ce thème qu'il va entreprendre la plus grande "série" qu'il ait jamais peinte. Plus qu'une simple "série" d'ailleurs, comme celles des Cathédrales de Rouen ou des Peupliers, les Nymphéas constituent un véritable cycle comptant près de 250 toiles de conceptions et de formats divers, exécutées tout au long d'une période d'environ 25 ans.

En 1900, Monet expose à Paris, à la galerie Durand-Ruel, une petite série d'une dizaine de toiles, d'un format souvent carré, représentant la partie du bassin avec le petit pont japonais et les branches de saule.

"...Sachez que je suis absorbé par le travail. Ces paysages d'eau et de reflets sont devenus une obsession. C'est au-delà de mes forces de vieillard, et je veux cependant arriver à rendre ce que je ressens..." (Lettre de Monet à Geoffroy, 11 août 1908).

En 1909, ce sont 48 oeuvres, exécutées entre 1903 et 1908, qui sont regroupées, chez Durand-Ruel à nouveau, pour constituer sous le titre : les Nymphéas, Série de paysages d'eau, la première exposition entièrement consacrée aux Nymphéas. Dans ces oeuvres, le paysage qui entoure le bassin se réduit à une bande étroite en haut de la toile ou disparaît même pour laisser place uniquement à l'eau et aux Nymphéas.

Entre 1914 et 1916, Monet fait construire à Giverny un nouvel atelier à éclairage zénithal, spécialement conçu pour travailler aux grands panneaux des Nymphéas.

Le 12 avril 1922, l'acte de donation à l'Etat est signé, fixant le délai de livraison à deux ans. A cette époque Claude Monet souffre de la cataracte qui l'affecte depuis 1908 (il décidera finalement de se faire opérer en 1923) et traverse des périodes de découragement. Il en arrive même à détruire certains panneaux et faillit ne pas honorer l'engagement qu'il avait pris. Cette donation reste l'une des plus importantes jamais réalisées en France par un artiste vivant.

Cette exposition prélude aux travaux de rénovation de l'Orangerie qui débuteront dès la clôture de l'exposition pour s'achever fin 2001. A cette date, l'ensemble des Nymphéas aura retrouvé l'aspect original que lui avait donné Monet, en particulier l'éclairage naturel dont il est actuellement privé. Il bénéficiera en outre d'un accès direct par la grande entrée de l'Orangerie, dont il redeviendra le coeur vivant.

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